Luzie Meyer: Pin Up Hang Up
Commissioned text for the Frac Lorraine
In 2020, Luzie Meyer was commissioned to produce a poster (a commodity) for a prestigious Swiss art fair that would be ‘reproduced indefinitely, for sale…a sale from which she is not to benefit directly, but indirectly (maybe)’. For this commission, Luzie Meyer turned to language — as she often does in her practice that is composed of a range of media from poetry to music, performance and sculpture — to write a poem in response to the absurdity of such ad nauseam requests. The result: Pin Up Hang Up (2020), an A3 format PDF bearing the poem, printed upon sale.
Pin Up Hang Up calls out injustices of the art world as well as its absurdity and repercussions. Following at first the artists questioning of visibility and self-worth, and her ‘hang up’ on how artists representing their own individual suffering is valued in the art market, the text then presents a short list of things one would invest in if we were to purchase her artwork, such as the artist’s rent, and time for self care. Yet, the list is abruptly interrupted by the idea of barrenness — particularly in relation to women and infertility — and worthlessness that takes over, as she questions what it would mean, perhaps, to make a “strategic representation of barrenness to resist exploitation.” The work thus unveils itself as such a representation as the author goes on to state “This page is worthless.”
The work serves thus as a fitting analogy for our cracked system: if wages are to work, then visibility and self doubt are to art-work. Upsetting, indeed, but widely acknowledged. “We don’t pay artists, we help them,” Nathalie Quintane wrote in an essay on artists’ rights published in 2021. Help them in what way one may ask? First and foremost, visibility and/or representation on the scene and a market that benefits many but the artists themselves, arguably, and particularly as was the case for Luzie Meyer—, then reputation— as being reputable only adds to your intrinsic value—, and perhaps even financially — yet in small sums, far from what waged workers earn in their professions. Because, as Luzie Meyer writes, if an artist is worthy, they should accept this cracked system, acknowledging that ‘the personal and political are capital’, thus their art is as well, but for others to exploit as such.
“They call it love. We call it unwaged work,” this quote by Silvia Federici revealing this kind of systematic violence has been cited in recent years by various collectives, artists and activists who are fighting for artworkers rights (Wages For Wages Against, La Buse, Eva Barto, Fanny Lallart, to name a few…). Because the condition of the artist is “symbolically privileged yet economically disastrous” and because “[...] the visual arts are halfway between craft and intellectual production, because they have historically been constructed in tension with industrial mass production, and because they lend themselves to private [intellectual] property, they fall under an economic universe of their own, and one that overdetermines the way in which the artists who practise them address the most general economic issues."
In Pin Up Hang Up, Luzie Meyer addresses the most general economic issue — that of being paid — through poetry, self exposure, and humour. Fully aware of her condition as an artist — and more specifically, as a female artist — Luzie Meyer reminds those interested in acquiring the poem what they truly are investing in: “yet another thing you did not know you needed or wanted: a very good sense of humour,” — nothing more. Pushing where it hurts in the complex world of contemporary art, Luzie Meyer reminds that even if “art is older than commerce”, it has nonetheless been commodified, and it is the makers that should benefit directly from such sales.
En 2020, Luzie Meyer a été sollicitée pour produire une affiche (une marchandise) pour une prestigieuse foire d'art suisse qui serait "reproduite indéfiniment, pour être vendue... une vente dont elle ne bénéficiera pas directement, mais indirectement (peut-être)". Pour cette commande, Luzie Meyer s'est tournée vers le langage - comme elle le fait souvent dans sa pratique qui se compose d'un éventail de médias allant de la poésie à la musique, en passant par la performance et la sculpture - pour écrire un poème en réponse à l'absurdité de telles demandes ad nauseam. Le résultat : Pin Up Hang Up (2020), un fichier PDF au format A3 portant le poème, imprimé à la vente.
Pin Up Hang Up dénonce les injustices du monde de l'art ainsi que son absurdité et ses répercussions. Après le questionnement de l'artiste sur la visibilité et l'estime de soi, et son "blocage" [hang up] sur la façon dont les artistes représentant leur propre souffrance sont valorisés sur le marché de l'art, le texte présente ensuite une courte liste de choses dans lesquelles on investirait si l’on achetait son œuvre, comme le loyer de l'artiste et le temps pour s'occuper de soi. Cependant, la liste est brusquement interrompue par l'idée de stérilité - particulièrement en ce qui concerne les femmes et l'infertilité - et d'inutilité qui prend le dessus, alors qu'elle se demande ce que cela signifierait, peut-être, de faire une "représentation stratégique de la stérilité pour résister à l'exploitation." L'œuvre se dévoile ainsi comme une telle représentation puisque l'auteur poursuit en déclarant "Cette page est sans valeur."
Voici donc une analogie appropriée pour notre système fissuré : si le salaire est au travail, la visibilité et le doute de soi sont à l'œuvre d'art. Bouleversant, certes, mais largement reconnu. “On ne paie pas les artistes, on les aide", dit Nathalie Quintane dans un essai sur la rémunération des artistes publié en 2021. Les aider de quelle manière, pourrait-on se demander ? D'abord et avant tout, en leur offrant une visibilité et/ou une représentation sur la scène et sur un marché qui profite à beaucoup de gens, mais pas aux artistes elleux-mêmes, sans doute, et surtout comme c'était le cas pour Luzie Meyer -, puis en leur offrant une réputation - car être réputé·e ne fait qu'ajouter à votre valeur intrinsèque -, et peut-être même en leur offrant une aide financière - mais des sommes modestes, loin de ce que les travailleur·eues salarié·es gagnent dans leurs professions. Car, comme l'écrit Luzie Meyer, si un·e artiste est digne, il ou elle doit accepter ce système fissuré, reconnaissant que "le personnel et le politique sont du capital", et donc que son art l'est aussi, mais pour que d'autres l'exploitent comme tel.
"Ils appellent ça de l'amour. Nous l'appelons travail non rémunéré", cette citation de Silvia Federici révélant ce type de violence systématique a été citée ces dernières années par divers collectifs, artistes et activistes qui luttent pour les droits des artistes (Wages For Wages Against, La Buse, Eva Barto, Fanny Lallart, pour n'en citer que quelques-un·es...). Parce que la condition de l'artiste est "symboliquement privilégiée mais économiquement désastreuse" et parce que “les arts visuels sont à mi chemin entre production artisanale et intellectuelle, parce qu’ils se sont historiquement construits en tension avec la production industrielle de masse et parce qu’ils se prêtent à la propriété privée, ils relèvent d’un univers économique qui leur est propre, et qui surdétermine la manière dont les artistes qui les pratiquent abordent les questions économiques les plus générales.”
Dans Pin Up Hang Up, Luzie Meyer aborde la question économique la plus générale - celle d'être payé·e - par la poésie, la mise à nue et l'humour. Pleinement consciente de sa condition d'artiste - et plus particulièrement d'artiste fémmme - Luzie Meyer rappelle à celleux qui souhaitent acquérir le poème ce dans quoi iels investissent réellement : "Encore une chose dont vous ne saviez pas que vous aviez besoin ou que vous vouliez : un très bon sens de l'humour" — rien de plus. Poussant là où ça fait mal dans le monde complexe de l'art contemporain, Luzie Meyer rappelle que même si "l'art est plus ancien que le commerce", il a néanmoins été marchandisé, et ce sont les créateur·rices qui devraient en bénéficier directement.