Georgie Nettell: Every lie has an audience
Commissioned text for the Frac Lorraine
“There is a theory that madness, like emotion, results from sensory overload. Information floods in so fast that it is stripped of its referents, its place in the system, and can no longer be classified or arranged,”[1] American writer and critic Chris Kraus wrote in 2002 whilst writing on the work of Julie Becker. Two decades later, this madness via sensory overload holds even more true and is a sensation that emanates from Georgie Nettell’s video Every lie has an audience (2019). According to the artist, the short 1 minute 05 second loop composed of a range of found footage was imagined as a title sequence for a current affairs television show — such as 60 minutes in the United States, or 50’ inside in France.
A newly furnished interior inhabited by a man behind a laptop is shaken by what seems to be an earthquake, as the man naively looks around without reacting in the slightest. Cut to an image of planet earth spinning behind letters that spell out ‘THINK’, followed by an accelerated clock, a glass of water, a growing plant, a child throwing a tantrum, a happy consumer purchasing M&Ms and a bottle of PowerAde, emptied shelves in a supermarket (a result of food shortages? crisis? a Black Friday sale?), fragments of talking heads, warfare, destroyed cities, 3D models of future urban planning (reconstruction? gentrification?), robots, oil rigs, a great white shark and an illuminated cityscape by night. Presented and in turn read on the same register, the images confront the viewer with a looping sequence that reveals capitalism’s greed, destructive behaviour and, ultimately, historic amnesia. A foreboding soundscape, like that of a never-ending spiral, accompanies the video — Iza Vrata by Goth Rock band Trivalia — and reinforces what can be imagined as an anxious collective conscience.
Taken from the internet, the images are at times grainy and recall the idea of the ‘poor image’ as theorised by Hito Steyerl. Poor images are those circulating global networks; bootlegged, decontextualized popular images for all, by anonymous. They “present a snapshot of the affective condition of the crowd, its neurosis, paranoia, and fear, as well as its craving for intensity, fun, and distraction.”[2] Nettell’s Every lie has an audience could thus be considered as a fragmented glimpse of a shared madness/neurosis, induced not only by sensory overload but also by a contemporary obsession for intensity resulting from the acceleration of the world we inhabit [3]. One can imagine a crowd of onlookers, between excitement and terror, in anticipation of an imminent catastrophe.
This brings us to the title: Every lie has an audience. Fake news and ignorance are spreading across the globe, and as people become more and more desensitised to the media, the truth feels increasingly distant. “In a world that is truly upside-down, the true is a moment of the false,” Guy Debord wrote in The Society of the Spectacle. Georgie Nettell’s video could thus be the illustration of this Debordian thought, as it adapts mediatic codes to criticise the spectacular lies broadcasted to evergrowing believers, emphasising how today’s truth lay often in the shadow of falsities.
If Georgie Nettell’s works reveal society’s responsibility in its own demise, it does so in a caustic manner, often through language. Flashing letters, phrases and words inhabit her video in the guise of calls to action, recalling neoliberalist motivational catch phrases that punctuate advertisements and urban cityscapes encouraging humans in a high performance society (i.e. “just do it”). In another of her videos of the same year, Life Can be Beautiful in Slow Motion (2019), the words “see what’s happening” dance around a screen, flirting with shards of glass shattering in slow motion. Georgie Nettell’s work can thus be considered as cautionary tales of neoliberalism: set against a backdrop of disaster and destruction, humans send each other subtle wake up calls all the while creating said calamity themselves, incessantly.
Katia Porro
2 - Hito Steyerl, “In Defense of the Poor Image,” in eflux Journal, no. 10, November 2009.
3 - See Tristan Garcia’s La Vie intense. Une obsession moderne.
Georgie Nettell
Every lie has an audience
« Il existe une théorie selon laquelle la folie, comme l'émotion, résulte d'une surcharge sensorielle. L'information afflue si vite qu'elle est dépouillée de ses référents, de sa place dans le système, et ne peut plus être classée ou organisée », écrivait l'autrice et critique américaine Chris Kraus en 2002 à propos de l'œuvre de Julie Becker. Deux décennies plus tard, cette folie par surcharge sensorielle est encore plus palpable et c'est la sensation qui émane de la vidéo Every lie has an audience [Tout mensonge a un public] (2019) de Georgie Nettell. Selon l'artiste, la courte boucle de 1 minute et 5 secondes composée d'un éventail de found footage a été imaginée comme un générique pour une émission de faits divers – à l’image des programmes 50' inside en France, ou 60 minutes aux États-Unis.
Un intérieur nouvellement meublé, habité par un homme se tenant derrière un ordinateur portable, est secoué par ce qui semble être un séisme, tandis que l'homme regarde naïvement autour de lui sans réagir le moins du monde. Plan après plan, se succèdent ensuite des images de la planète terre tournant derrière des lettres qui épellent le mot « THINK » [penser], suivi d'une horloge accélérée, d’un verre d'eau, d’une plante qui pousse, d’un enfant qui pique une colère, d’un·e consommateur·rice heureux·se qui achète des M&M's et d’une bouteille de PowerAde, des rayons dépouillés d’un supermarché (le résultat de pénuries alimentaires ? d’une crise ? des soldes du Black Friday ?), de fragments de têtes parlantes, de guerres, de villes détruites, de modèles 3D de l'urbanisme futur (reconstruction ? gentrification ?), de robots, de plateformes pétrolières, d’un grand requin blanc et d’un paysage urbain illuminé la nuit. Présentées et lues tour à tour sur le même registre, les images confrontent le·la spectateur·rice à une séquence en boucle qui révèle l'avidité du capitalisme, son comportement destructeur et, finalement, son amnésie historique. Un paysage sonore inquiétant, comme celui d'une spirale sans fin, accompagne la vidéo – Iza Vrata du groupe de rock gothique Trivalia – et renforce ce que l'on peut imaginer comme une conscience collective anxieuse.
Tirées du web, les images sont parfois granuleuses et rappellent l'idée d’« image pauvre » telle que théorisée par Hito Steyerl. Les images pauvres sont celles qui circulent sur les réseaux mondiaux ; des images populaires décontextualisées, piratées, pour tous·tes, par des anonymes. Elles « présentent un instantané de l'état affectif de la foule, de sa névrose, de sa paranoïa et de sa peur, ainsi que de son besoin d'intensité, de plaisir et de distraction ». Every lie has an audience de Nettell pourrait donc être considéré comme un aperçu fragmenté d'une folie/névrose partagée, induite non seulement par une surcharge sensorielle mais aussi par une obsession contemporaine pour l'intensité résultant de l'accélération du monde que nous habitons. On peut imaginer une foule de badaud·es, entre excitation et terreur, dans l'attente d'une catastrophe imminente.
Ce qui nous amène au titre : Every lie has an audience [Tout mensonge a un public]. Les fake news et la désinformation se répandent dans le monde entier, et comme les gens sont de plus en plus désensibilisés aux médias, la vérité semble de plus en plus difficile à atteindre. « Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux » écrivait Guy Debord dans La société du spectacle. La vidéo de Georgie Nettell pourrait ainsi être l'illustration de cette pensée debordienne, puisqu'elle intègre les codes médiatiques pour critiquer les mensonges spectaculaires diffusés à des croyant·es toujours plus nombreux·ses, soulignant combien la vérité d'aujourd'hui réside souvent à l'ombre de la fausseté.
Si les œuvres de Georgie Nettell révèlent la responsabilité de la société dans sa propre chute, elle le fait d'une manière caustique, souvent par le biais du langage. Des lettres, des phrases et des mots clignotants habitent ses vidéos sous la forme d'appels à l'action, rappelant les accroches motivantes du néolibéralisme qui ponctuent les publicités et les paysages urbains, encourageant les humain·es dans une société de haute performance (à l’image du « just do it »). Dans une autre de ses vidéos de la même année, Life Can be Beautiful in Slow Motion (2019), les mots « see what's happening » dansent sur un écran, flirtant avec des éclats de verre se brisant au ralenti. Les œuvres de Georgie Nettell peuvent donc être considérées comme des récits édifiants sur le néolibéralisme : sur fond de catastrophe et de destruction, les humain·es s'envoient de subtils avertissements, tout en créant, de manière incessante, cette calamité eux-mêmes.
Katia Porro